La Bible: ouvrage de dénigrement du féminin sacré ?

La Bible semble être tout le long du texte une lutte ouverte au féminin sacré. Normal, puisque c’était le modèle dominant à l’époque de sa rédaction et que les hébreux souhaitaient proclamer leur différences sur les peuples voisins en imposant la stricte observance du monothéisme et du patriarcat. Mais la lutte contre le féminin sacré et contre les cultes et les pratiques qui lui été associés sont plus anciennes.

La prostitution sacré – notamment –  est une pratique qui répugne l’élite des Grecs.  C’est ainsi qu’Hérodote, déjà au Ve siècle avant notre ère, écrit dans son Enquête (I, 199), « la plus honteuse coutume des Babyloniens. Il faut que chaque femme du pays, une fois dans sa vie, s’unisse à un homme étranger dans le temple d’Aphrodite (…). Lorsqu’une femme est assise là, elle doit attendre pour retourner chez elle qu’un étranger lui ait jetée de l’argent sur les genoux et se soit uni à elle à l’intérieur du temple (…). Lorsqu’elle s’est unie à l’homme, elle a acquitté son devoir à l’égard de la déesse et peut revenir chez elle ».

Hérodote dépeint cette pratique comme si elle était dégradante pour les femmes qui la pratiquait. Or c’était loin d’être le cas.

Les Babyloniens, les Sumériens et les autres Mésopotamiens avait sur la sexualité un regard décomplexé. Les Mésopotamiens ne concevaient pas leurs dieux autrement que comme de supers-humains.

La mythologie des Sumériens, qui furent parmi les premiers habitants de la Mésopotamie, relate notamment que le dieu Enlil, l’une des divinités suprêmes du panthéon, poursuivit de ses assiduités la jeune déesse Ninlil, la viola et la mit enceinte. Puni par l’assemblée des dieux, Enlil ne se priva pourtant pas de recommencer. Et que penser des amours de la déesse Inanna – plus tard appelée Ishtar puis rattachée à cette Aphrodite mentionnée par Hérodote ? Divinité féminine la plus importante en Mésopotamie, elle règne sur l’amour – mais que l’on se garde d’imaginer là un sentiment platonique : c’est bien l’amour physique, éminemment charnel et passionnel qu’elle régente. Elle-même est une déesse torride, insatiable dans ses ébats, n’hésitant pas à harceler sexuellement mortels et immortels, au travers de propos pour le moins explicites : « Quant à moi, à ma vulve, tertre rebondi, moi, jouvencelle, qui me labourera ? Ma vulve, ce terrain humide que je suis, moi, reine, qui y mettra ses bœufs (de labour) ? (…) Laboure-moi donc la vulve, ô homme de mon cœur ! »

Il n’est pas étonnant, dès lors, de relever l’existence de prières adressées par des hommes ou des femmes à la sensuelle déesse, dans le but de parvenir à leurs fins. Savoureuses par leur langage cru, elles montrent aussi qu’à cette époque, plaisir sexuel et sentiment religieux n’avaient rien d’antinomique : « Prends-moi ! N’aie pas peur ! Bande sans crainte ! Par ordre d’Ishtar, de Shamash, d’Ea et d’Asalluhi [d’autres dieux du panthéon] ! Cette recette n’est pas de moi : c’est celle-là même d’Ishtar, déesse de l’amour ! On recueillera quelques poils arrachés à un bouc en rut, un peu de son sperme (…) ; on amalgamera le tout ensemble pour le fixer aux lombes de l’amant, après avoir récité sept fois, par-dessus, la susdite prière. » Des multiples histoires d’amour d’Ishtar, la littérature mésopotamienne a surtout retenu celle qu’elle vécut avec Dumuzi (nommé Tammuz aux époques plus tardives), héros qui accéda au rang divin. Les textes révèlent une jeune déesse totalement subjuguée par son amant, constamment dans l’attente de l’étreinte ardente qui les unira.

Mariage sacré et fertilité

Cette folle passion a inspiré un rite religieux particulièrement important aux IIIe et IIe millénaires avant notre ère : le mariage sacré, dit hiérogamie. Censé mimer les amours d’Ishtar et de Dumuzi, il avait apparemment lieu – du moins aux époques les plus anciennes – lors de la fête du Nouvel An : le roi avait alors pour mission d’épouser la belle Inanna-Ishtar, incarnée ici-bas par sa représentante humaine. Les épousailles se concrétisaient par une véritable union sexuelle, célébrée ensuite dans la liesse populaire par un banquet, de la musique et des chants. La rencontre charnelle entre le roi et la déesse de l’amour était censée apporter fertilité au peuple et au pays. S’il était gage de récoltes abondantes, le mariage sacré témoignait aussi de l’approbation du pouvoir du roi par les dieux, ce que confirme un poème, La Bénédiction de Shulgi, un souverain de la fin du IIIe millénaire : « Lorsque le seigneur, le pasteur Dumuzi, couché près de [moi], la sainte Inanna, aura pétri mon sein laiteux et succulent, lorsqu’il aura porté la main sur ma sainte vulve (…). Lorsque, pareil à son bateau élancé, il y aura porté la vie, lorsqu’il m’aura caressée sur le lit : alors, je le caresserai et lui décréterai une destinée heureuse ! »

Une infidélité au Dieu d’Israël

On peut se demander qui, au moment de la cérémonie, assumait le rôle d’Ishtar. D’aucuns estiment qu’il s’agissait de la reine ; mais d’autres historiens penchent plutôt en faveur d’une prostituée sacrée, la hiérodule. Plusieurs documents font allusion à des pratiques sexuelles dans les temples – notamment un qui mentionne une prêtresse pratiquant la sodomie pour éviter de tomber enceinte – et le vocabulaire relatif à la prostitution, cité dans Le Code de lois du roi Hammourabi de Babylone (XVIIIe siècle avant notre ère), est très riche : le terme kulmashitu ou qadishtu, en particulier, semble faire référence à des femmes aux mœurs libres œuvrant dans des temples.

Plus tard, la Bible, qui a pris naissance sur ces terres baignées de l’antique culture babylonienne, évoquera à son tour le phénomène de la prostitution sacrée. Ainsi, en Deutéronome 23, 18 : « Il n’y aura pas de prostituée sacrée parmi les filles d’Israël, ni de prostitué sacré parmi les fils d’Israël », ou en 2 Rois 23, 7, qui raconte comment le roi Josias « démolit les maisons des prostitués sacrés, qui étaient dans le temple de Yahvé et où les femmes tissaient des voiles pour Ashéra». Faisant référence aux prostituées du temple de Samarie, Michée (2, 7) promet la colère de Yahvé. Mais la femme d’Osée est cependant une prostituée des cultes cananéens de fécondité, que le prophète a épousée sur ordre de Yahvé, car, dit-il, « le pays ne fait que se prostituer en se détournant de [moi] » (Osée 1, 2). La métaphore est ici particulièrement claire : la prostitution est assimilée à l’infidélité pure et simple envers le Dieu d’Israël. L’anathème le plus fort est jeté sur cette pratique.

Et pourtant… Ne peut-on pas trouver, dans Le Cantique des Cantiques, d’étranges résonances entre ce magnifique chant d’amour et ceux qui sont entonnés par les hiérodules lors du mariage sacré : « Embrasse-moi à pleine bouche : tes caresses sont bien meilleures que le vin, (…) ta personne est un parfum qui embaume : les jeunes femmes sont folles de toi ! Entraîne-moi à ta suite : courons ! Le roi m’a introduite en sa chambre : folâtrons, jouissons de toi ! Ah, que l’on a raison de t’aimer ! » (1, 2-4) ? Pour résoudre cet embarassant problème l’exégèse biblique a interprété ce poème comme une métaphore de l’amour de Dieu envers son peuple.

Prostitution ou Service sacré

En utilisant le terme « Prostitution » et en occultant les aspects positifs de ces cultes anciens, les textes bibliques ont ternis l’image de cette très ancienne religion, la plus importante de toutes à l’échelle de la préhistoire et de l’histoire humaine.

Son expression moderne est certes bien différente de celle de ces ages reculés. Cependant, le Service Sacré des prétresse de la Déesse-Mère ont fort heureusement perduré à travers les âges et aujourd’hui le Gaïaisme en est la voie sacrée.

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